Pour la première fois depuis plusieurs mois je suis retourné au cinéma pour profiter d’un film d’animation, qui plus est japonais. Cela faisait longtemps que je n’avais pas profité d’un long métrage dans les salles obscures, entre activité militante et travail. La fête de l’animation (ou fête de l’anim) se déroulait ce weekend du 14 au 17 mars entre Lille et Tourcoing dans différents lieux.
C’est à cette occasion que le Majestic de Lille proposait ce samedi soir une séance unique en France pour le film d’animation « A Letter to Momo » ou « Momo e no tegami » (ももへの手紙 qui est d’après l’affiche française traduit par « Lettre à Momo ») alors que le film doit sortir partout en France au mois de septembre. Je n’ai pas pris l’habitude sur ce blog d’exprimer des critiques de films, d’animation, de livres ou d’albums de musique mais cette fois-ci je ressens le besoin de partager mon analyse sur ce qui est selon moi une oeuvre réussie !
C’est après une petite attente dans le couloir du Majestic de Lille que nous pouvons entrer dans la salle 2 qui sera bientôt remplie jusqu’au dernier siège pour cette séance unique en France. Le film avait déjà été diffusé en avant-première lors de la neuvième édition du carrefour de l’animation en décembre 2011 alors que le film sortait au Japon en 2012. Le film avait également été diffusé lors du festival international du film de Toronto (TIFF) 2011. Pas de réclames (ouf) avant la diffusion du film. Une dame présente le cadre dans lequel se situe la projection du film : séance unique, réalisateur qui doit passer en France et sortie nationale en septembre 2013. Le film commence tout de suite.
Avant de présenter les raisons pour lesquelles il faut aller voir ce film je voudrais parler un peu de Hiroyuki Okiura (沖浦啓之). Il aurait travaillé sept ans pour réaliser ce film après un long silence depuis son premier long métrage « Jin-Roh, la brigade des loups » (人狼) sorti en 1999. Avant de devenir réalisateur il est passé par différents postes d’une équipe de réalisation d’un long-métrage d’animation et notamment par les équipes de Ghibli par exemple comme animateur sur « Kiki, la petite sorcière ». Je ne souhaite pas ici me sentir obligé de passer par la case « comparaison systématique avec un Ghibli » ou « comparaison systématique avec maître Miyazaki » cela n’aurait pas de sens d’une part pour apprécier l’oeuvre lors de la diffusion, d’autre part pour l’analyser après coup. Malheureusement, de nombreuses critiques de longs-métrages d’animation japonaise tissent souvent un pont entre l’oeuvre présentée et les œuvres du studio mythique.
L’histoire qui nous est contée dans cette pièce de deux heures précises est celle d’une jeune fille qui déménage de Tokyo pour aller habiter à la campagne avec sa mère. L’action est centrée sur une lettre que Momo – la jeune fille – a récupérée dans le bureau de son défunt père. Plus précisément, il s’agit pour elle de comprendre ce que son père a souhaité lui écrire sur cette missive inachevée (« Pour Momo… », ももへ). Momo arrive dans la maison de ses grands-parents en compagnie de sa mère. Petite entorse à ce qui a été écrit plus haut… L’introduction du film n’est pas sans rappeler l’arrivée de Mei, Satsuki et de leur père dans leur nouvelle maison à la campagne dans « Mon voisin Totoro ».
Petit à petit Momo va se mettre à remarquer des phénomènes étranges, à entendre des bruits bizarres et finalement à tomber sur des créatures du folklore japonais appelées « Yôkai » (妖怪). Classique me direz-vous. Certes il y a une part de déjà-vu mais là où l’intégration de ces créatures est réussie est dans la mise en scène. Nous verrons pendant quasiment les trois quarts du film une série de gags à n’en plus finir entre notre protagoniste et trois de ces créatures infâmes mais si gentilles. Pour preuve, toute la salle sera prise d’un fou rire général pendant une bonne heure ! Cela faisait longtemps que je n’avais pas ri spontanément à gorge déployée à en avoir mal aux zygomatiques (si si). Finalement, après en avoir fait voir de toutes les couleurs à la pauvre Momo qui passe pour une menteuse aux yeux de sa mère, les trois yôkai seront d’une grande aide pour faire le lien entre le monde des vivants et l’au-delà. Je préfère ne pas dévoiler l’ensemble du scénario ici. Même s’il a déjà été observé plusieurs fois, le symbole incarné par les yôkai dans ce film pour relier deux mondes est mis en scène d’une façon originale à travers les personnalités de ces derniers.
Finalement, comment ne pas évoquer le travail minutieux qui a été fait sur les décors. L’action se situe à la campagne c’est une chose. Elle prend place en fait dans une île de la mer intérieure de Seto (瀬戸内海) située entre les îles de Honshû (本州) et Shikoku (四国). La vision de ces îles verdoyantes au beau milieu de la mer intérieure m’a immédiatement rappelé les photos du blog de David d’Ogijima qui partage sans relâche et avec passion des informations précieuses qui donnent envie de découvrir l’île de Shikoku et la mer intérieure. Ce ne sera pas pour cette année mais il est certain que la prochaine fois je ne manquerai pas d’y consacrer plusieurs jours ! Ce retour de la mère avec sa fille dans son pays natal est typique des œuvres artistiques japonaises qui mettent souvent en scène cette nostalgie (natsukashisa – 懐かしさ ou kyôshû – 郷愁 qui mot à mot signifie « chagrin du village natal »).
L’île de Shio (汐島) est donc le lieu de l’action du film. Il s’agit d’un lieu imaginaire. L’équipe aurait pris pour modèle l’île de Ôsakishimo (大崎下島) située dans la ville de Kure (呉市), préfecture de Hiroshima (広島県). D’ailleurs, un petit clin d’œil apparaît dans le film lors des scènes où apparaissent les bateaux de paille (warabune – 藁舟) utilisés pour le festival Miyajima-san (宮島さん) qui porte le nom de l’île où personne ne peut mourir. Par ailleurs, les bateaux de paille sont munis d’une voile sur laquelle apparaît le fameux torii du sanctuaire d’Itsukushima (厳島神社). Bref, pour moi le cadre magnifique dans lequel prend place l’action de ce long-métrage est pour moi le deuxième argument (avec l’humour) indéniable pour aller voir ce film quand il sortira en septembre.