Journée coup de ♥ !
Aujourd’hui, je passerai une nouvelle journée sous un soleil de plomb dans le kansai, plus précisément dans la ville de Nara (奈良市). Après avoir été invité aux cérémonies bouddhistes à l’aube, j’arriverai après quelques heures de transport jusqu’à cette ancienne capitale du Japon. Dans un premier temps, mon périple me conduira au sud de Nara où se trouve le plus vieil édifice en bois du monde. Je m’aventurerai ensuite vers la ville de Nara. Pour célébrer le 1300ème anniversaire de la fondation de cette capitale millénaire, des festivités ont lieu. La reconstitution du palais impérial de l’époque et de ses abords est l’une d’entre elles. Pour finir la journée j’irai vers le parc aux daims de Nara qui abrite l’un des temples les plus visités de la région pour son grand Bouddha.
Ayant pris mes dispositions je me lève vers 5h30 pour aller me laver. Je prends de court le moine qui devait réveiller tout le monde. J’en profite pour prendre quelques photos du monastère : sa cour, ma chambre, les alentours… Bien qu’il soit très tôt il fait déjà relativement clair mais frais. Deux moines nous invitent à empruntent un escalier de pierre adjacent à l’annexe où j’ai dormi. En haut se trouve le bâtiment où se tiendra la première cérémonie bouddhiste. Les touristes s’assoient sur leurs genoux ou de côté. Les moines commencent alors à réciter des soûtras et à effectuer une série de gestes comme faire brûler de l’encens. Pendant le récital, les moines semblent entrer en transe. D’ailleurs, je trouve qu’ils jouent sur les changements de fréquence en récitant la même chose. Cela me rappelle les battements binauraux. Les gens présents sont invités à venir prier et brûler de l’encens si ils le souhaitent. Pour ma part, je regarde faire étant au deuxième rang.
Nous suivons les moines pour une autre cérémonie, cette fois-ci juste devant l’enceinte du monastère dans le Bishamonten-dô (毘沙門天堂) – le « hall de Bishamon », protecteur de la loi bouddhique. La salle est un peu plus petite mais tout le monde arrive à se faire une place. Je regarde alors ébahi le spectacle qui commence devant nos yeux, avec le couple belge que j’ai rencontré la veille. Petite parenthèse : je n’ai pas pris vos mails il me semble, alors je lance un appel, si vous me lisez laissez un commentaire avec votre mail SVP ! 🙂
La cérémonie du feu bat son plein, les gens prient, prennent des photos alors que le moine brûle encens, graines, bois et riz tout en récitant des soûtras. En tout 108 objets, représentant des péchés, seront brûlés pour « faire surgir la vérité ». Le feu produit est relativement impressionnant aux vues de la taille du pavillon. La cérémonie dure une bonne demie-heure, au terme de laquelle nous sommes invité à passer un à un devant la fumée pour nous purifier un peu comme au temple Asakusa à Tokyo. Nous retournons ensuite vers nos chambres alors que des moines apportent le petit-déjeuner. Je le prends dans la chambre du couple qui m’invite cordialement. Nous discutons un peu de nos voyages avant que je parte assez rapidement pour attraper le funiculaire et partir vers Nara !
Le ciel est très dégagé mais j’espère qu’il fera moins froid à Nara. J’arrive au guichet du funiculaire après avoir pris le bus pas loin du monastère. Les personnes âgées sorties avant moi galèrent en anglais pour savoir comment aller jusque je ne sais où… Fallait s’organiser avant mes petits pères ! Sûr de moi, j’achète directement un ticket jusque Shin’imamiya (新今宮) au sud d’Osaka ! J’attrape tout juste le prochain funiculaire. J’y retrouve le couple québecois de la veille 🙂 Une fois à la gare de Gokurakuhashi, nous prenons un train express « Kôya » numéroté de la Nankai. Je ne saurai dire de quel modèle de train il s’agit par contre. Le train passe comme à l’aller par Hashimoto. Une fois à Osaka, je dois prendre un train de la ligne JR Yamatoji (JR大和路線) en direction de Nara, et je perds de vue le couple de canadiens. Le train met à peu près 30 minutes pour arriver à la gare de Hôryû-ji (法隆寺駅). C’est un kaisoku (快速) qui s’arrête donc aux gares principales comme celle de Ô-ji (王子駅) dans la préfecture de Nara juste avant la station où je descends.
Après à peu près 2h30 de voyage en train, je descends donc à la gare de Hôryû-ji où m’attend un soleil de plomb. Tant mieux, je préfère ce temps-là à la pluie. Je demande où se trouve le temple au guichet d’informations. La dame me donne une carte et m’indique qu’il est plus rapide d’y aller en bus qu’à pied. J’avais prévu de marcher mais le temps « presse ». J’attends donc le bus qui arrive vite et fais route vers le temple. Il y a 3 arrêts en tout sur cette ligne de bus qui semble taillée pour desservir le lieu touristique du coin. À ce propos, le temple n’est pas situé à Nara même mais au sud ouest, dans la ville d’Ikaruga (斑鳩町) du district de Ikoma (生駒郡). Malgré, le peu de personnes croisées, cet endroit compte tout de même près de 30000 habitants ! Le bus, qui s’avère bien pratique vue la température écrasante, s’arrête devant la Porte du Sud Nandaimon (南大門) du Hôryû-ji. À peine déposé, un guide japonais bienveillant et anglophone vient à ma rencontre. Semblant être à la retraite, il m’explique qu’il est bénévole et peut me guider gratuitement dans ce temple ! Nous échangerons en « japanglais » tout au long de la visite :D.
La visite durera un peu plus d’une heure et demie à l’heure du midi. Tant pis, je mangerai après. Nous progressons sous la porte du Sud, où mon guide me propose une première fois de me prendre en photo, puis nous progressons sur une longue allée vers l’enceinte principale du temple. Au bout de cette allée, se trouve une fontaine pour se purifier les mains avant l’entrée qui se trouve près d’une nouvelle porte, la porte centrale ou Chûmon (中門). L’entrée permet de visiter l’ensemble des bâtiments dont l’enceinte sur laquelle donne l’entrée et son corridor : l’enceinte ouest appelée Sai-in Garan (西院伽藍). Cette enceinte abrite les constructions en bois les plus anciennes du monde : la porte centrale, une pagode à cinq étages et le bâtiment principal. Le temple est le premier site du Japon a avoir été inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1993. D’autre part, la plupart des bâtiments sont classés trésors nationaux ou biens culturels importants. Grâce à son style bien particulier, la structure du temple est restée gravée dans l’histoire. Le nom du temple Hôryû-ji (法隆寺) signifie « temple de la Loi Florissante », autrement dit la loi bouddhique qui était effectivement florissante à l’époque de sa construction.
Le prince Shôtoku (聖徳太子) aurait commandé la construction de ce temple au début du VIIème siècle en 607, pendant la période Asuka (592-710), qui précède la période de Nara (710-794). C’est l’Empereur Yômei qui voulut un temple pour y placer une statue de Bouddha, espérant guérir de la maladie.
Mon guide me propose une deuxième photo devant la pagode imposante de 32 mètres. C’est la plus ancienne pagode à cinq étages du Japon. Elle renferme les reliques des bouddhas. Une collection de statues en terre cuite y est conservée. Nous montons les marches pour apprécier des représentations de différents bouddhas dont le Bouddha que tout le monde connaît : Siddhartha Gautama. Le guide m’explique que contrairement à beaucoup de temples au Japon, celui-ci ne dépend d’aucune doctrine ou école du bouddhisme, mais bien du bouddhisme « originel » introduit au Japon en 552 d’après la chronique, bien avant d’après les historiens. Le prince Shôtoku joua un grand rôle dans l’influence qu’allait avoir le bouddhisme au Japon. C’est pourquoi, ce bouddhisme primitif est souvent désigné par bouddhisme Shôtoku.
Nous progressons vers le bâtiment principal Kondô (金堂), où là encore il est interdit de pénétrer. Mon guide m’explique la signification de certaines statues en les éclairant avec sa lampe. Il fait frais et sombre à l’intérieur. Ici sont conservées les statues des bouddhas pour lesquels le temple est dédié. Il s’y trouve une représentation en triade de O-Shaka-sama (お釈迦様), nom japonais de Bouddha. Une triade est caractérisée par la représentation d’un bouddha et de deux serviteurs. Le guide m’explique qu’il existe une pléthore de bouddhas, qui sont tous honorés pour différentes raisons que je ne développerai pas dans cet article. À noter, une statue de Bishamonten, divinité de la guerre, à laquelle le pavillon de ce matin honore le nom. Je crois comprendre que hormis les statues du Bouddha originel, les autres datent une époque postérieure au VIIème siècle. Dans la cour, se situent face à la porte centrale d’autres bâtiments : le pavillon des études, le pavillon de la cloche et le dépôt des soûtras.
Nous quittons la cour vers l’enceinte est. Cet équilibre ouest/est me rappelle celui du Japon tout entier qui n’est jamais décrit sur un axe nord/sud sur les cartes mais plutôt (nord-)ouest/(sud-)est. Sur le chemin, nous nous rendons au pavillon de l’âme de Shôtoku (聖霊院). La construction en bois abrite une statue du prince datant de l’époque Heian (794-1185). Non loin de là se situe la galerie des trésors Daihôzô-in (大宝蔵院). Comme le temps presse un peu le guide me conseille de ne pas nous y attarder et de nous diriger plus à l’est vers l’autre enceinte située à quelques centaines de mètres. Nous passons sous la Porte de l’Est Tôdaimon (東大門) qui marque l’entrée de l’autre enceinte. Le pavillon des songes Yumedono (夢殿) est le bâtiment le plus important, construit au VIIIème siècle en hommage au prince Shôtoku dont la statue de Kannon est faite à son image. D’autres biens culturels importants sont présents ici : le pavillon des reliques, le pavillon des images, le pavillon des enseignements bouddhiques et le pavillon de la cloche de l’enceinte est. Un autre temple, le Chûgû-ji (中宮寺) est érigé également dans ce complexe, mais une fois de plus le temps est compté. Je rebrousse chemin avec mon guide vers l’arrêt de bus. La convention veut que l’on ne propose pas de « pourboire » au Japon, mais je propose tout de même un repas au guide qui refuse poliment. J’allais prendre un repas quelque part à côté du temple où il y a l’air d’avoir des petites échoppes mais finalement le bus arrive. Pas une minute pour souffler !
À la gare, j’attends le train pour Nara à l’ombre alors qu’il fait très chaud. Plein d’écoliers attendent aussi pour rentrer chez eux. La région du Japon entre Nara et Osaka a été au centre de l’Histoire japonaise à ses débuts. Nara est située au nord de la plaine du Yamato (大和) qui conserve de nos jours de nombreuses vestiges de cette époque archaïque.
Le train arrive à Nara après trois stations au bout de dix minutes. La gare est moyennement grande. La mascotte de la ville accueille les voyageurs. Il s’agit de Sento-kun (遷都くん), une sorte de bouddha avec des bois de daims. En 2010, Nara fête les 1300 ans de sa création. L’ancienne capitale et ses alentours sont promus à cette occasion. Nara a été fondée en 710, année qui marqua le passage à l’ère du même nom que la ville. Comme Kyoto, la structure de la ville en damier provient de Chine et aujourd’hui encore je me rendrai compte que plus que les blocs comme partout au Japon, ici ce sont bien les rues qui ont l’air de primer ! J’arrive donc à la gare vers 13h45 et sort par la sortie ouest où se trouvent les bus. Des personnes guident les gens vers la navette gratuite vers l’ancien site du palais impérial.
Sur la route, je vois un garage Renault ! Pas tellement étonnant si on considère que Renault est allié à Nissan. Après 20 minutes de route vers l’ouest sur les longues routes droites de Nara, le bus arrive sur un parking énorme. À l’occasion des 1300 ans de Nara, l’ancien palais impérial a été reconstitué. À l’époque, la ville s’appelait Heijôkyô (平城京). Bien que nous soyons maintenant en 2011, la brochure en français des 1300 ans de Nara et des différents événements organisés est encore disponible sur mon site. Il est maintenant plus de 14h et je n’ai pas encore mangé ! Heureusement, il y a des restaurants à l’entrée. Je tombe sur un magasin de bentô qui propose une sorte de hamburger au sushi, recouvert de grains de riz roses ! Je me laisse tenter. Finalement, c’est bien nutritif et sûrement pas de la malbouffe.
Il fait toujours très chaud et j’avance vers la porte Suzaku-mon (朱雀門). À l’entrée, de nombreux guides reconnaissables par leurs badges proposent aux touristes leurs services gratuits en japonais ou anglais. L’un d’entre eux se propose une nouvelle fois pour me guider sur le site de l’ancien palais. J’accepte. Il parle presque uniquement en anglais et un peu japonais, à mon grand désarroi. Je préférerais être guidé entièrement en japonais ! Nous nous dirigeons vers la porte située au sud du site. Le nom de cette grande porte désigne le phénix. C’est l’une des reconstitutions engagées à l’occasion des 1300 ans de la capitale. C’est par là que se faisait l’entrée du palais de 130 hectares, après avoir traversé une longue allée de 70 mètres de large. Le site est inscrit au patrimoine mondial de l’humanité depuis 1998, au même titre que le temple Tôdai-ji que je visiterai après. En japonais, le palais est appelé Heijôkyû Sekikaijô (平城宮跡会場), littéralement dit « emplacement des ruines du palais sur la plaine ».
Sous la porte, une belle vue s’offre à moi sur l’ensemble du site. Gigantesque. La salle d’audience droit devant semble être très loin. Presque un kilomètre à vol d’oiseau. Le guide m’invite à nous diriger là-bas par les chemins qui longent les anciennes rizières et champs de fleur. Une ligne de chemin de fer de la compagnie Kintetsu coupe le site en deux. Des policiers sont là pour veiller à la sécurité. Le flot de touristes est impressionnant pour un lundi. Je précise au guide que j’aimerais aller au Tôdai-ji après. Il me dit que ça va faire juste. J’imagine… J’aurais dû prévoir 2 jours complets à Nara qui en vaut largement le détour, plutôt que de passer trois jours autour du mont Fuji pour ne pas le voir !
La salle d’audience du palais impérial de l’époque a également été reconstituée. Elle est appelée première salle du conseil ou Daiichi Daigoku-den (第一大極殿). Cette salle abrite le trône de l’Empereur de l’époque, bien sûr reconstitué. Au faîte du toit, il y a trois ornements appelés Shibi (鴟尾). Le guide me donne une feuille sur laquelle sont écrits en anglais les 17 articles de la première constitution écrite du Japon, rédigée à l’époque Asuka par le prince Shôtoku. Ce document officiel fût établi pour permettre de centraliser l’État. La constitution commençait par insister sur l’importance de l’harmonie dans la société. En ancien japonais ça donne 以和爲貴. Je ne peux pas donner la lecture, qui a très probablement évoluée, surtout que la structure de cette « phrase » rappelle un peu le chinois.
Sur les balcons de ce bâtiment, la vue est superbe sur le site et une partie de Nara. Avant de partir, j’avais téléchargé les podcasts audioguides (en français et japonais) sur le site de l’événement pour m’autoguider une fois sur place. Finalement, je trouve le guide assez contraignant par rapport à celui du temple de ce midi… J’essaie de lui faire comprendre que j’aurais préféré être seul. C’est vrai quoi, il avance trop vite, pas le temps de lire quoi que ce soit sur les pancartes, il est déjà 20 mètres devant ! Comme le temps m’est compté il me conseille de choisir un seul endroit pour finir. Il dit qu’il vaut mieux aller là, je dis que je préfère aller ici. Visiblement contrarié il me laisse continuer seul. Ouf 🙂 Ce moment me montre un peu combien il est compliqué de refuser ou ne de pas être d’accord avec un japonais.
Dans tous les cas je retourne seul près de l’entrée du site où se situe la reconstitution d’un bateau. D’autres parties du site sont intéressantes, mais le temps m’est vraiment compté. Décidément, j’aurais mieux fait de rester plus longtemps à Nara ! Je raterai, par exemple, le musée du palais qui contient des objets retrouvés lors des fouilles, ainsi que l’un des sites de fouilles… Un peu blasé mais il faut faire des choix dans la vie de touriste.
Il y a une sorte de tramway qui fait le tour du plateau central. Autant dire, qu’il est très lent au point d’aller plus vite à pied ! Le bateau reconstitué servait à envoyer des émissaires Japonais en Chine aux VII et VIIIème siècles. Ces émissaires établissaient des ambassades dans la Chine des Tang (唐朝) pour échanger notamment sur la religion, l’écriture et d’autres pratiques culturelles. Normalement, il fallait s’inscrire plus tôt pour bénéficier de l’entrée dans le bateau et son hall d’exposition. Me renseignant poliment en japonais, on me laisse entrer simplement en montrant mon passeport 🙂 Le bateau est à l’échelle d’origine, entièrement peint de blanc et de vermillon. J’entre par un couloir qui représente la mer qui sépare le Japon de l’Empire du Milieu. Dans le hall, une vidéo est diffusée, dans laquelle la mascotte Sento-kun présente avec deux émissaires envoyés en Chine, l’évolution de l’Histoire japonaise jusqu’au déplacement de la capitale à Heijô-kyô. Dans l’espace voisin, des images illustrent les changements dans les pays d’Asie de l’Est du V au VIIIème siècles. D’autres images permettent de se rendre compte de l’activité dans la capitale à l’époque. Je continue vers une première salle de projection où est diffusé un anime (アニメ) racontant le départ d’émissaires pour la Chine et leur voyage en bateau. Un androïde femme grandeur nature narre l’histoire en japonais ! Les paroles suivent très bien avec ses lèvres c’est impressionnant. Le professeur Ishiguro Hiroshi est déjà célèbre pour créer ce genre d’humanoïde. Je me demande si celle-ci n’est pas également son œuvre.
Robot humanoïde dans le bateau des émissaires
Je sors ensuite sur le pont sur bateau où se trouvent quelques explications sur des pancartes. Le bateau est plutôt petit et les cabines abritent principalement les quartiers des émissaires. L’une des personnes qui encadrent la visite me demande de revenir à l’intérieur car la dernière séance de l’autre salle de projection va commencer. Cette salle, bien plus grande que la précédente, projette sur cinq écrans géants un film en images de synthèse qui montre comment était la capitale il y a 14 siècles. Plusieurs temples sont visibles. La disposition des portes y est expliquée. J’y apprends que le palais abritait également les quartiers de fonctionnaires.
Suite à cette superbe projection, je sors. Bientôt les temples fermeront, il est près de 15h45 et des employés empêchent déjà de prendre le bus car la file d’attente est pleine. Heureusement, non loin de là des taxis attendent. Je me résigne donc à en prendre un pour 1700 yens vers le Tôdai-ji. Le conducteur n’est pas très bavard et conduit les deux mains sur le guidon avec des gants blancs. Tous les taxis du Japon ont la même forme contrairement aux français. La course est un peu chère mais j’arrive au moins à l’heure pour visiter le Tôdai-ji. Je n’avais pas le choix et puis de toute façon j’ai de la marge dans mon budget.
Le taxi me dépose au bout de l’allée qui mène au temple et qui traverse le fameux parc aux daims de Nara. Sur le côté, des boutiques vendent des galettes shika sembei (鹿煎餅) à donner aux daims pour 150 yens. Les gens donnent à manger aux cerfs shika. Il faut faire attention à ne pas laisser ouverts les sacs car les bêtes sont à l’affût. Pour peu que le passeport soit à portée de l’animal, le voyage se termine là. Quoi qu’il en soit Nara a beau être la campagne aux yeux de beaucoup de japonais, le patrimoine est très bien promu. Je trouve qu’ils mettent les moyens pour transmettre leur culture alors qu’en France là-haut tout est fait pour mettre le moins de budget dans des domaines basiques tels que la culture, la santé ou l’éducation…
L’accès au temple se fait après avoir traversé l’allée et la Grande Porte du Sud Nandai-mon (南大門), énorme construction en bois. Un couple asiatique me demande de les prendre en photo. Je commence à leur parler japonais mais ils me disent qu’ils sont anglais. #Fail. Je continue mon petit bout de chemin jusqu’à l’entrée de ce fameux temple. Le Tôdai-ji (東大寺) ou « grand temple de l’est (de Nara) » a été construit au VIIIème siècle pendant la période de Nara. Il avait pour vocation d’abriter l’une des plus grandes statues en bronze du bouddha Dainichi Nyorai (大日如来) dont la construction a été achevée en 752. À l’origine, deux pagodes de sept étages chacune entouraient le bâtiment principal. Elles ont brûlé à plusieurs reprises. Dans le film diffusé tout à l’heure, elles étaient visibles. Le bâtiment principal ou Daibutsu-den (大仏殿) est réputé pour être la construction en bois la plus haute du monde avec 50 mètres de hauteur et 60 de large ! La statue est bien l’attraction principale du temple. Elle représente le bouddha Vairocana, très important dans l’école du Kegon (華厳宗) de laquelle dépend le temple. Ce bouddha en position du lotus mesure 18 mètres. C’est la plus grande statue de bouddha en bronze du monde. À la base de l’un des piliers, il y a un trou de la taille d’une narine du bouddha. La rumeur veut que celui qui arrive à passer dedans ira au paradis. J’aurais dû faire un régime avant de partir !
J’achète un porte-clefs Sento-kun avant de repartir vers le parc. Le temple ne propose pas de brochure à l’entrée, dommage. La nuit commence maintenant à tomber, alors que les portes du temple viennent de fermer. Il est 17h pétantes. Je remonte l’allée jusqu’à mon point de départ. Partout, les cerfs mâles brament. L’automne est la saison des amours. Les émois sexuels des daims dans le noir sont déstabilisants. Les daims sont considérés comme sacrés au Japon, notamment à Nara et à Miyajima (voir la journée de demain). Tuer un daim était passible de la peine de mort jusqu’en 1637. Comment penser tuer une bête si kawaii (可愛い) comme diraient les japonais. Je consulte la carte Google que j’avais copié sur mon smartphone pour me repérer et trouver l’auberge où je dors ce soir.
Ryokan Aobachaya
J’arrive à trouver le ryokan (旅館) très facilement en me guidant avec la carte (plus détaillée que ci-dessus). J’emprunte quelques chemins dans le bois du parc aux daims en slalomant entre des points d’eau, dans le noir. Je croise quelques vélos. Il n’y a pas grand monde à part des daims ! L’auberge est faiblement éclairée. C’est sobre. Première bonne impression, qui ne me trompera pas ! Je m’avance vers l’entrée. La porte s’ouvre automatiquement ! Encore une surprise. Je m’avance à l’accueil et fais le check-in. La dame me guide vers ma chambre. Nous parlons en japonais. Elle me demande à quelle heure je souhaite dîner. Comme il est encore tôt – à peu près 17h30 – je lui réponds que vers 19h c’est très bien, le temps de prendre des notes sur ma journée. Dans un ryokan, la propriétaire des lieux est appelée nakai-san (仲居さん). En l’occurrence, celle-ci est très accueillante et marrante !
La chambre est japonaise mais il y a un petit espace plus occidental derrière des portes coulissantes. Il y a là une table et des chaises et un lavabo pour se laver. Dans la salle, il y a également une petite télé et une sorte de rangement pour vêtements. J’y déballe mes affaires et m’assois sur le tatami pour souffler un peu. L’heure du dîner arrive vite. La dame m’appelle au téléphone pour savoir si je suis prêt. Pas de problème, j’ai super faim ! Elle m’apporte le dîner compris dans la nuit. Encore une fois, le dîner est très copieux et consiste en de nombreux plats subtils. Nous parlons beaucoup, de Nara, de mon voyage et de la France. Il s’avère que de nombreux français passent la nuit dans l’auberge. J’apprends quelques kanji de poissons et coquillages en échange de quelques mots et phrases en français utiles pour un hôte comme « Voici votre café » ou « Puis-je entrer ? » 🙂
Je prends bien mon temps pour déguster petit à petit l’ensemble du dîner. Super bon ! Je prends et reprends du riz et du thé vert. Bien chaud. La dame m’explique comment bien préparer et servir le thé. Il y a différentes méthodes de préparation selon le type de thé. La dame m’explique que les feuilles de thé peuvent être séchées au soleil comme c’est le cas pour le thé vert ryokucha (緑茶). Le thé peut également être grillé comme du café torréfié. C’est le cas du thé hôjicha (焙じ茶) de couleur brunâtre. C’est le thé que je goûte ce soir. Il est servi pendant les repas et notamment le soir de par sa faible teneur en caféine. Après, cette discussion très intéressante je vais me plonger dans le onsen intérieur de l’auberge au sous-sol, où je dors également. La dame repasse pour préparer le futon sous mes yeux comme c’est l’usage dans les ryokan. Après cela, je peux dormir tranquillement car aujourd’hui j’ai passé une journée superbe !
Vous pouvez consulter les photos de cette journée. Les photos des autres journées sont également disponibles. Elles apportent un supplément visuel à chaque article. Chacune est localisée et comporte une légende. N’hésitez donc pas à y laisser vos commentaires ou questions !
Encore un super article de ta part.
Un petite info (au cas ou mais tu dois deja le savoir) : Kenshin Uesugi est un fervent admirateur du dieu de la guerre Bishamonten.
Je ne savais pas non ! Là je suis en train de lire « Nouvelle histoire du Japon » de Pierre-François Souyri. J’en suis justement au chapitre consacré à la deuxième moitié du XVIème siècle ! Je lis minutieusement parce que c’est passionnant.
Très bel article une nouvelle fois. (et très bien écrit).
Tu sais que SIDDHARTA est le nom de 2 groupes de rock progressif dont un excellent groupe Turc de space-rock psyché.
Prête-moi les CD si tu les as ! Je me demande si leur classification dans le « space-rock » a un rapport avec le bouddhisme.
Bonjour,
Comme les autres, je ne vais pas être original et dire qu’effectivement c’est un superbe article qui donne envie de découvrir le Japon.
D’ailleurs, pouvez-vous me renseigner sur le budget qu’il faudrait envisager pour passer un séjour d’une dizaine de jours dans ce magnifique pays.
Bonjour Patrick,
Merci pour votre compliment !
Je ne peux pas vous répondre, même approximativement, à votre question. Cependant, je dirais que le coût du voyage dépend :
– du budget initial que vous êtes prêt à dépenser
– du billet d’avion. Plusieurs critères : avec ou sans escale, la compagnie (je conseille ANA) japonaise, française, low-cost etc… Je dirais que ça peut aller de 700 à 1200 € (Air France il me semble) en classe économique. Comme ce fût mon cas, parfois des promotions sont disponibles à des places plus sympas (près de la classe affaires, plus d’espace pour les jambes, belle vue du hublot…).
– du type de logement (hôtel de luxe, hôtel 2 étoiles, auberge japonaise de luxe, auberge japonaise moins luxueuse, auberge de jeunesse, logement chez l’habitant…)
– de votre mobilité. Si vous souhaitez aller à Hokkaido, Kyushu, Okinawa et même dans le Kansai (Kyoto, Osaka) ou Hiroshima, il est préférable d’acheter le Japan Rail Pass qui permet de voyager à volonté pendant 1, 2 ou 3 semaines. Sachez que ce passe n’est valable que sur les lignes de la compagnie JR. Un aller-retour à Kyoto rentabilise souvent cet investissement.
– de vos envies, de vos activités sur place. Les visites des temples et sanctuaires est souvent gratuite ou d’un coût relativement négligeable (autant voire moins qu’en France pour les lieux touristiques). L’entrée des musées est équivalente également. Si vous souhaitez faire du shopping sur place, c’est clair qu’il vous faudra un budget conséquent. Pour ma part, je me suis refréné car tout est trouvable plus ou moins sur Internet, notamment les consommables comme les DVD qui sont de la même zone que la France !
J’aimerais aussi insister sur le fait qu’emprunter les transports en commun est très enrichissant et intéressant contrairement à ce que l’on pourrait croire.
Je vous conseille de vous orienter vers Destination Japon, qui a pris en charge mes réservations. Ma conseillère fût à l’écoute et force de conseil 🙂